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BANK AL-MAGHRIB, L’INVENTION D’UN MUSÉE

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Le 18 mai a été inauguré à Rabat le Musée de Bank Al-Maghrib. Regroupant au sein d’une scénographie originale une histoire de la monnaie et la collection de tableaux de l’institution financière, l’édifice dépasse de loin la dimension de musée d’entreprise.

M.S.

Le musée de Bank Al-Maghrib ouvre ses portes au siège historique à Rabat, sur l’avenue Mohammed V. Un musée nouveau, né du désir de l’Institution financière et monétaire du Royaume d’offrir, sur 1500 m2 d’expositions, un patrimoine d’exception. Contrairement aux musées de banques existant à ce jour, en Europe notamment, et qui présentent de manière très classique des collections de monnaies et leur propre histoire, cette création muséale est singulière et inédite puisqu’elle fédère à la fois la dimension de musée d’entreprise relatant l’histoire, les réalisations et les missions de la banque, une exposition permanente du patrimoine artistique qu’elle a acquis, et enfin une nouvelle présentation de son musée de numismatique. De ces trois composantes, un musée contemporain, tout à fait original dans son concept, s’est inventé.

« Le musée trouve sa force dans cette originalité car ce qui, en filigrane, traverse tout le dispositif – tant dans les peintures, les monnaies que la présentation de la banque – c’est l’histoire du Maroc. Une histoire ancrée dans l’actualité, dans la modernité, une histoire en devenir : le musée opère comme un reflet et une consolidation de l’identité marocaine », explique la muséographe Martine Thomas Bourgneuf.

Ce musée a également été façonné par l’espace qui lui était dévolu : la partie publique de l’édifice, à l’angle sud-est, deux ailes autrefois occupées par les guichets de la Banque Nationale, s’est transformée en lieu d’expositions.

Une coupole de verre, et l’agence devient musée

Le premier travail de l’architecte Aziz Lazrak a consisté à libérer les surfaces, puis à proposer une extension pour donner l’espace nécessaire à ce nouvel usage. Telle une greffe, un volume nouveau est inséré dans la cour intérieure. Un élément d’architecture de verre et d’aluminium, véritable machine à capter la lumière et à la restituer au cœur de la construction. Cet exercice d’architecture a offert, au centre du musée, un ensemble de salles sur trois niveaux distribués par un escalier monumental. Au premier niveau, une salle de grande hauteur, conçue pour la présentation de peintures contemporaines, est surmontée par la salle réservée aux expositions temporaires. L’ajustement précis des étages a permis la création d’une salle de conférences au dernier niveau.

La muséographie a repris à son compte cette nouvelle configuration sans créer de liens artificiels entre les trois composantes : les entités se déploient assez clairement pour celui qui arpentera le musée.

Les grands secteurs « monnaies », « banque » et « peinture » sont dotés d’identités spécifiques qui se conjuguent entre elles, mais ils sont aussi reliés entre eux par une harmonisation des supports de médiation muséographique tels que les textes, les images, les films ou encore les interactifs.

Plusieurs scénarios de visite

Depuis l’entrée, plusieurs parcours sont possibles.Découvrir la peinture non marocaine, dite parfois orientaliste, peut constituer la première étape. Dans l’aile droite, une vingtaine d’œuvres est présentée et agrémentée d’informations générales et de détails. Des stèles lumineuses, supports de textes, égrènent le parcours selon les thématiques ou les périodes de l’histoire de l’art.

Outre Majorelle (1886-1962), star des catalogues des maisons de ventes marocaines depuis quelques années, et dont on peut voir ici, entre autres, une Ruelle de Souk, on pourra s’attarder sur des peintres que l’on a moins l’occasion de connaître au Maroc, par exemple Benjamin-Constant (1845-1902) et son Echoppe des tailleurs, une œuvre dans laquelle l’artiste s’attarde sur la quiétude régnant dans la ruelle avec ces personnages allongés ou appuyés au mur. Un garde, bien qu’armé, est emporté par le sommeil. Un tailleur juif travaille en toute sérénité avec son apprenti noir qui se tient derrière lui. On est loin de cet Orient souvent dépeint comme violent.

Il faut aussi prolonger la visite sur cette Arrivée de caravane que peint Lord Edwin Weeks(18489- 1903) lors de son séjour au Maroc.

Avec le Vannier devant des cactus, on découvre un Bernard Boutet de Monvel (1881-1949) contemporain de Majorelle pour la stylisation et la géométrisation des formes, si typique de la peinture de période Art Déco.

Une histoire du Maroc par sa monnaie… et sa peinture

De cette galerie, on peut continuer à parcourir l’exposition de peinture en revenant vers l’aile gauche. Là, en face mais à bonne distance d’un mur présentant une trentaine de peintures marocaines, une longue paroi de verre et de lumière incrustée d’images animées, d’écrans, de films, de saynettes. Tout le long de cette paroi, on découvrira pas à pas l’histoire de la banque, déroulée en deux époques (1906/1959 et 1959 à aujourd’hui), et les différentes missions de l’institution en quatre grandes étapes. 

A l’extrémité de cette frise mouvante, vivante et très organisée, une ouverture ménage l’accès vers une salle entièrement consacrée à la fabrication des monnaies et des billets de banque par Dar As-Sikkah : textes, photos, petits audiovisuels, présentation des matières, produits et objets utilisés sur les chaînes de production… On s’attarde avec plaisir sur les processus industriels souvent sophistiqués de ces fabrications si extraordinaires, si secrètes !

On peut aussi rester dans l’aile droite et rejoindre les «monnaies et médailles» à découvrir dans l’ordre chronologique. Sept modules chronologiques, très facilement identifiables, correspondent à un découpage de l’histoire tant de la monétisation du Maroc que du Maroc lui-même.

Belle nouveauté par rapport à l’ancien musée : les collections sont présentées sur des écrans tactiles interactifs qui laissent la liberté de voir des agrandissements documentés des pièces. Face aux monnaies et médailles, un îlot complémentaire est consacré à l’histoire des billets de banque marocains, où, à nouveau, un interactif permet de voir des détails et des agrandissements…

La peinture marocaine, une autre histoire du Maroc

Il ne faudra pas quitter le musée sans aller voir les collections de peinture marocaine dans le nouvel espace central – salle basse – construit sur la cour intérieure.

Là, on ne peut que féliciter l’institution d’offrir un panorama d’une telle qualité et finalement une leçon d’histoire de la peinture moderne. Outre deux Belkahia, un sur peau, un sur cuivre, les amateurs de Gharbaoui trouveront des œuvres d’exception, comme  Eclosion et les Yeux de la colère .

Ahmed Cherkaoui, Mohamed Kacimi, Miloud Labied… sont également de la fête. Certains artistes ou courants se voient réserver un espace dédié, comme Hassan El Glaoui, Ben Ali Rbati, ou les naïfs. Pour la partie contemporaine, avec une œuvre photographique de Lalla Essaydi qui fait entrer le nouvel orientalisme féminin par la grande porte et une œuvre ultra-branchée de Mohamed Elbaz, la visite des galeries de peinture s’achève sur le sentiment qu’ici commence peut-être la prise en charge, sinon de la mémoire, en tout cas du patrimoine artistique marocain d’hier et de demain. 

L’équipe de conception

La conception et la maîtrise d’œuvre ont été confiées par la direction de Bank Al-Maghrib, suite à un appel d’offres lancé fin 2007, à un groupement de trois partenaires couvrant les champs de compétence nécessaires à la réalisation de ce programme. La société CMOOA était chef de projet pour la muséographie, l’atelier d’architecture et de design integral-Philippe Délis pour la scénographie et le cabinet Aziz Lazrak pour la partie architecture.

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