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6 tendances de l’art contemporain africain

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L’art du continent et de sa diaspora est traversé par des thématiques qui tournent parfois à l’obsession. Tour d’horizon à travers les 6 frénésies du moment…

Mickalene Thomas, Racquel Come to Me Two, 2018 photo : VICTORIA KOVIOS courtesy Mickalene Thomas

#1 Une autre vision du féminin

« La femme est l’avenir de l’homme », écrivait Aragon. Elle est aussi considérée comme l’avenir du continent africain. Finis les clichés de la femme au foyer ou érotisée à outrance. L’artiste new-yorkaise Mickalene Thomas s’est inspirée du charisme de sa propre mère, dans une démarche très actuelle d’empowerment, pour célébrer une nouvelle vision de la femme afro-américaine : puissante et libérée. Mickalene Thomas revisite le portrait féminin en se confrontant à Ingres, Matisse ou Manet pour mieux questionner la représentation de la femme noire à travers les âges. L’ Ivoirienne Joana Choumali revisite quant à elle la broderie pour en faire un médium d’expression de la pensée. Éthérée, sa dernière série Alba’hian est un carnet de route de ses promenades matinales à travers Abidjan. Transposant une pratique artisanale féminine vers une forme de méditation, Choumali superpose photographies, fils et tissus pour mieux figurer les multiples strates de sa réflexion et de son voyage intérieur.

Kyle Meyer, Unidentified 119, 2018, environ 230 x 150 cm Courtesy of Yossi Milo Gallery

#2 (Re)présenter le corps noir

Le corps en Afrique est une zone de revendication permanente. Dans cet enjeu déterminant de se représenter par soi-même, figurer le corps noir revient, entre autres, à combattre les clichés exotiques issus du colonialisme. Élevant la coiffure afro au rang d’œuvre d’art, J.D. ’Okhai Ojeikere a depuis les années 1960 réalisé plus de 1 000 clichés qui dressent une typologie quasi abstraite de l’art de la tresse et de la parure féminine au Nigeria. Le photographe mort en 2014 est ainsi devenu une sorte d’artiste-ethnologue de sa propre culture. Le travail récent de l’Angolais Januario Jano mixe textile et photographie dans une série de mises en scène épurées où le corps, désexué, se réapproprie les pratiques rituelles de la culture ambundu. En Afrique comme ailleurs, la représentation de l’identité sexuelle est un sujet crucial pour la communauté LGBT. Avec Interwoven, l’Américain Kyle Meyer  a réalisé de poignants portraits d’hommes gays du Swaziland. Tressant lamelles de papier photo et textiles de la région, il ne livre leurs visages qu’en filigrane, métaphore de leur faible visibilité sur le continent.

Houston Maludi, Bienvenue au Gondwana, 2017, encre de chine sur toile, 100 x 100 cm Courtesy of MAGNIN-A, Photo Florian Kleinefenn

#3 Redessiner la ville

L’énergie des villes africaines est une source d’inspiration constante pour l’art contemporain du continent. Épicentre de l’accès à la modernité, autant que d’un développement anarchique, en peinture elle se retrouve transcendée. Renouvelant la tradition de la peinture congolaise, Houston Maludi trace des cartographies mentales donnant à voir un autre visage de Kinshasa. Avec son style inimitable, qu’il qualifie lui- même de «monochromique cubisme symbiotique quantique », il s’inspire de Braque et Picasso pour représenter toutes les facettes de cette métropole bouillonnante. Le Sénégalais Douts restitue, quant à lui, le désordre de Dakar dans des compositions quasi abstraites où les couleurs vives s’entremêlent sens dessus dessous.

Yéanzi, Les dangoros dit l’UA, série Les Pétroliers, 2017, technique mixte, 248 x 298 cm Courtesy of Galerie Cécile Fakhoury

#4 Préserver la terre

Tandis que le continent africain se développe à une vitesse fulgurante, la nature en prend un coup. Pour parler d’écologie ou de devenir de l’humanité, exit le sempiternel recyclage de matériaux associé à l’art africain. Pionnier de l’art digital au Sénégal, Piniang fusionne les matériaux pour déployer une réflexion sur l’évolution et l’environnement. Autre exemple surprenant, Les Pétroliers de Yéanzi est une série de toiles « sans peinture» où l’artiste portraiture les figures de son quartier en projetant du plastique fondu sur du tissu. Préoccupée par les dérives de la mondialisation, la Nigériane Otobong Nkanga s’intéresse à la marchandisation des matières premières et à leur acheminement entre Afrique et Occident. Ses œuvres métonymiques questionnent le devenir des ressources naturelles.

Slimen El Kamel, Get Up, 2018, acrylique et broderie sur toile, 200 x 200 x 3 cm Courtesy of the artist and Sulger-Bruel Gallery

#5 Apprivoiser l’image médiatique

Quelles sont nos nouvelles mythologies ? Dans un continent submergé par le défer- lement d’informations, où la transmission par l’oralité doit aujourd’hui composer avec la communication digitale, on ne sait plus à quel saint se vouer. Les artistes africains et de la diaspora creusent le sillon de cette confusion, forcément politique, Mounir Fatmi en tête. Avec The Visible Side of the King, l’artiste fait revivre ce mythe collectif de l’apparition du visage du futur roi Mohammed V dans la lune, lors de la lutte pour l’indépendance au Maroc. Imprégné par les contes de son enfance à Sidi Bouzid, le Tunisien Slimen El Kamel développe une nouvelle narration picturale à l’interprétation sans fin, mixant récits folkloriques et réalité virtuelle. Dans ses récents travaux, la Marocaine Safaa Erruas interroge le pouvoir du langage dans une société du discours politique et médiatique galvaudé. Elle découpe, suture, brûle parfois ces mots pour mieux signifier leur fragilité.

Ahmed Kamel, Untitled (série Amen), 2018, cut-out, 21 x 29,7 cm (3 œuvres disctinctes) Courtesy of Katharina Maria Raab

#6 Post-colonialisme… et après ?

Les postcolonial studies imprègnent la réflexion du continent et de sa diaspora depuis les indépendances. Doyen de cette mouvance artistique et intellectuelle, le Sud-Africain William Kentridge explore l’histoire commune de l’Europe et de l’Afrique. Dans sa dernière série de performances multimédia et de dessins, The Head & the Load, il rend hommage aux 2 millions de soldats africains ayant combattu dans les rangs européens lors de la Première Guerre mondiale. L’Égyptien Ahmed Kamel questionne de manière plus abstraite, par des signes géométriques, le pouvoir comme moyen d’altération de nos perceptions individuelles. Marcia Kure préfère l’agrégation à la confrontation. L’artiste nigériane utilise le collage pour assembler des fragments de nos sociétés africaines et occidentales, combinant masques, photos de mode ou encore jouets pour enfants.

Marie Moignard 

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